L'homme-Bouc d'Anansi

Récupéré sur /x/ le 28 septembre 2012, 1:31 (heure de New York).
Partiellement réécrit pour améliorer la grammaire et la fluidité.

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Voilà mon histoire

>16 ans
>noir, ai de la famille en Alabama
>sont fermiers, possèdent des terres du côté d'Huntsville
>mon oncle a une grande maison et plusieurs caravanes dans les bois pour le camping ou la chasse
>des cousins me proposent d'aller camper là-bas
>ils savent que je suis un gars de la ville et que j'ai grandi à Chicago
>ils me teasent pendant des mois
>on rassemble des vivres, on tue un cochon et quelques poulets, on prend le nécessaire pour quelques jours
>on arrive au camp et on sent qu'il y a un truc bizarre
>odeur bizarre dans l'air, un peu comme de l'ozone, comme juste avant une tempête
>on y fait pas attention, on dépose nos affaires et on va se baigner dans un torrent
>un vieux mec blanc et un ado sortent des buissons sans prévenir
>il a un fusil sous le bras, il nous salue, il demande ce qu'on fait si loin dans les bois
>je lui parle de mon oncle, il le connait, je lui dis qu'on campe pas loin
>il nous dit qu'il vaut mieux être très prudent et rester groupés dans ce coin, un gros animal vit dans les bois
>son fils, qui a mon âge, lui demande s'il peut rester avec nous
>il approuve

Je vais arrêter ici avec cette mise en forme, l'histoire est assez longue et j'ai moins de mal à écrire comme ça.

Donc, la rencontre a débouché sur une partie de foot. Avec moi, il y avait l'ado blanc (Tanner), cinq de mes cousins, et puis quatre amis à eux. Au total, on était cinq filles et six mecs. On avait tous entre 15 et 17 ans.

À la fin on s'ennuyait un peu alors on a décidé de rentrer au camp et de ramener de quoi faire un feu, même si les deux caravanes avaient chacune une kitchenette. Tanner nous a dit que la propriété de sa famille était juste à côté de celle de mon oncle, il a annoncé qu'il passait chez son père pour le prévenir qu'il restait camper avec nous. Un de mes cousins, Rooster, s'est alors proposé de l'accompagner car il commençait à faire nuit. Une des filles les a suivis aussi.

Il était 19 heures et il faisait déjà assez sombre. Ils ont pris des lampes torches avant de s'engager sur le sentier vers la maison de Tan. Nous, on frissonnait autour du feu. On s'est fait griller des marshmallows, on a bu, on a flirté avec les filles.

30 ou 40 minutes après, l'odeur d'ozone est revenue. Je pouvais la sentir par-dessus celle du feu qui brûlait juste à côté. C'était persistant, cuivré, comme quand vous saignez du nez, et puis ça s'est arrêté soudainement. Ce n'était pas exactement comme du sang séché, mais c'était le même genre d'odeur métallique qui vous reste au fond de la gorge.

On a d'abord pensé que ça venait d'un appareil électrique, ou que quelqu'un avait laissé une plaque chauffante allumée. Donc, on a cherché dans les caravanes d'où ça pouvait venir, mais aucun appareil n'était allumé, malgré l'odeur persistante. C'est là qu'on a entendu des gens se ruer vers nous. C'était Rooster, Tan et la fille qui arrivaient dans la clairière, complètement à bout de souffle. Et ils n'ont même pas arrêté leur course - ils se sont directement précipités dans la caravane, près du feu.

On s'est tous rassemblés à l'intérieur. On leur a laissé un moment pour se calmer - Rooster avait l'air à deux doigts de pleurer. Pendant ce temps, le feu n'arrêtait pas de décliner, alors deux de mes cousins ont décidé d'aller allumer le générateur qui se trouvait dans le cabanon entre les deux caravanes.

Tanner s'y est opposé. "Vous faites pas ça ! On verrouille la porte, personne ne sort !" Il avait pleuré lui aussi, ses yeux étaient rouges et son pantalon était sale.

Il nous a raconté ce qui s'était passé. Ils sont arrivés chez lui, et son père était d'accord pour qu'il passe la nuit avec nous, mais en leur recommandant d'être très prudents sur le chemin du retour et en leur proposant de prendre un de ses fusils de chasse, juste au cas où.

C'était qu'ils avaient vu quelque chose sur leurs terres il y a quelques jours. Un de leurs porcs avait été retrouvé éventré et à moitié dévoré. Ils avaient supposé que c'était le fait des coyotes ou d'un cougar, même s'ils n'ont pas l'habitude de s'attaquer au bétail.

Tanner est monté dans sa chambre pour récupérer ses affaires, disant à son père qu'il se passerait du fusil car les coyotes évitent les gens normalement. Lui et les autres se sont donc remis en route vers les caravanes.

Rooster avait fini par arrêter de trembler et de pleurer. La fille aussi : elle se contentait de regarder par la fenêtre avec un air ahuri. D'après lui, ils étaient à mi-chemin quand ils ont commencé à entendre des trucs bizarres dans la forêt. Il faisait presque noir, donc ils n'étaient pas sûrs de ce que c'était. C'est là que la fille a entendu du mouvement dans les buissons à l'écart du sentier. Ils ont tous dirigé leurs lampes en direction du bruit, pour révéler un homme, se tenant droit dans une petite dépression. Ils lui ont crié dessus, lui ont dit qu'il leur avait fait peur, que c'était un crétin.

Rooster a alors réalisé que l'homme leur tournait le dos. Ils ont donc repris leur marche. C'est à ce moment-là que l'odeur cuivrée d'ozone est revenue. Un peu plus loin, en regardant autour d'eux, ils ont encore aperçu un homme debout dans le faisceau de leurs lampes - toujours le dos tourné, mais cette fois, un peu plus près du chemin.

Ils ont commencé à sérieusement presser le pas, Tanner n'arrêtait pas de jurer, "j'aurais dû prendre ce putain de fusil".

L'odeur était encore forte dans la cabane au moment où ils nous racontaient ça.

Rooster a repris. Au moment où le groupe a commencé à presser le pas, des sortes de chuchotements lents ont commencé à se faire entendre des deux côtés du chemin. Alors qu'ils commençaient à prévoir de retourner dans la caravane, la fille a dit qu'en jetant un œil avec sa lampe de poche, elle avait vu quelque chose en train de se branler dans les bois. Les chuchotements devenaient de plus en plus forts, et quand ils ont pu voir la lumière du feu de camp, quelque chose est sorti des bois à une trentaine de mètres derrière eux, sur le chemin, et ils ont couru aussi vite qu'ils le pouvaient jusqu'à la caravane.

Donc on en était là, perdus au milieu des bois, et à ce stade on se disait que ça devait être des bouseux ou un truc dans le genre, qui voulaient nous faire chier.

Tout à coup, mon autre cousin, Junior, a commencé à raconter que quand il était à l'école, un gosse des amérindiens du coin lui avait parlé de la légende de l'homme-bouc ou un truc du genre. On lui a rapidement dit de fermer sa gueule parce qu'on n'avait pas besoin de parler de trucs qui font peur.

Mais il continuait à nous décrire comment était ce putain d'homme-bouc, et qu'on était dans sa forêt, il arrêtait plus. À l'époque, je n'avais jamais entendu parler de cet homme-bouc, mais quelques années plus tard - l'année où j'ai reçu mon diplôme - j'ai eu une longue discussion avec mon coloc qui était d'origine Menom (une tribu amérindienne) et qui en savait un rayon question légendes locales. Pour résumer, c'est un mec avec une tête de bouc et il peut se métamorphoser. Il s'introduit dans des groupes de gens pour les terroriser. Il est dit aussi que c'est un peu comme un Wendigo, rien que le fait d'en parler porterait malheur, et encore pire si vous le voyez.

Gardez à l'esprit que je n'en savais rien quand j'avais 16 ans. Alors mon cousin disait : "L'homme-bouc va nous choper et nous massacrer." Les filles étaient terrifiées et mes cousins et moi essayions de savoir si c'était pas juste un péquenaud ou un animal.

Quelques secondes plus tard, l'odeur a disparu. À ce jour, je n'ai jamais rien vécu de pareil. Normalement, une odeur s'estompe progressivement. Là, elle a cessé d'être d'un coup sans prévenir.

Une heure après (21h ou 22h je dirais) on a arrêté de flipper et on a pu sortir pour alimenter le feu. On a pensé que ça devait être des connards qui essayaient de nous faire peur, donc on a choisi de pas rentrer à la maison, parce que je pense que si on l'avait fait, ils nous auraient pourchassés à travers les bois ou un truc dans le même genre.

Rien d'autre de bizarre ne s'est passé cette nuit. On est restés une nuit de plus mais rien ne s'est produit non plus, du moins jusqu'à 1 heure du matin environ. On était dehors en train de boire et de se raconter des histoires de fantômes. Alors que l'un de nous finissait une histoire - je me souviens plus de quoi elle parlait - l'odeur est revenue. Elle était tellement forte qu'une des filles en a dégueulé.

Je me suis levé et je me suis rendu compte à quel point l'air était froid. J'ai proposé qu'on retourne à l'intérieur, mais au fond de moi je savais que c'était pas la bonne solution. On aurait juste dû se barrer.

On est donc tous rentrés, hébétés. Junior se remettait à raconter des trucs sur l'homme-bouc, Rooster essayait de le faire taire, et moi je sentais juste que quelque chose allait pas, mais j'arrivais pas à dire quoi.

On a fini par s'asseoir et attendre pendant quelques temps ; l'odeur était tellement forte, on était tous tellement terrifiés qu'on s'est blottis les uns contre les autres. On a fini par cuire des saucisses pour tout le monde parce que personne ne voulait sortir. C'était ces paquets avec 4 saucisses. On avait en tout 3 paquets. Je les ai faites griller sur la poêle et j'ai donné un hot dog à chacun. J'ai pris le mien. Après un temps, l'un de mes cousins s'est levé pour en prendre un autre.

Il commençait à râler en demandant pourquoi j'avais le droit d'avoir 2 saucisses alors que les autres n'en avaient qu'une, et je l'ai regardé en me disant "mais qu'il est con". Je lui ai dit que tout le monde n'en a eu qu'une parce qu'il n'y avait que 12 saucisses. S'il en voulait d'autres, il avait qu'à ouvrir un nouveau paquet et en faire cuire d'autres.

C'est à ce moment là que la fille qui était allée avec Rooster et Tan a commencé à hurler "Oh mon Dieu, faites-le sortir !". Elle pleurait et tremblait, et mon cousin est allé vers elle en lui disant "putain meuf qu'est-ce qui se passe ?". On a tous les deux regardé partout dans la pièce, et là, j'ai senti mon cœur lâcher. On a couru comme des dingues en dehors et la fille nous a suivis. La porte de la caravane claquait contre le bord à chaque fois que quelqu'un en sortait.

Un des amis de mon cousin nous a demandés ce qui se passait. J'ai alors compté combien on était. On n'était plus que 11.



"Je raconte pas de la merde" a confirmé mon cousin. Il y avait douze personnes dans la caravane mais vu qu'on se connaissait pas très bien, personne n'avait vraiment remarqué qu'il y avait une personne en trop pendant tout ce putain de temps. Et puis j'ai réalisé que j'avais déjà plus ou moins remarqué que quelque chose n'allait pas. Vous voyez, quand vous essayez tellement d'avoir du bon temps que vous faites plus vraiment attention aux petits détails bizarres ? Je jurerais sur ma tête que quelqu'un d'autre était avec nous dans la caravane et qu'il est resté avec nous pendant au moins une putain de journée, à manger avec nous. Le pire dans tout ça, c'est que je pourrais pas savoir qui c'était puisque je pense que personne n'a interagi avec l'autre personne/l'homme-bouc.

La fille restait là à prier Jésus pendant qu'on était assis en rond dehors ; finalement, on s'est équipés de putain de longs bâtons et on est revenus dans la cabane, mais il n'y avait personne. On a de nouveau compté et on était 11. On est retournés dans la caravane et on a verrouillé la porte. On a expliqué le merdier qui s'est passé et la fille nous a dit qu'elle l'avait aussi compris mais au moment où elle allait en parler, juste avant notre moment de panique générale, la personne qui était assise à côté d'elle a empoigné sa jambe et s'est penchée vers elle en lui disant quelque chose qu'elle n'a pas pu comprendre.

Donc, on était tous secoués au point de se serrer les uns contre les autres, et c'est après que je me suis endormi. Quand je me suis levé, le soleil se levait à peine et la moitié des gens dormait pendaient que l'autre moitié emballait nos affaires.

On voulait tous retourner à la maison mais quatre d'entre nous voulaient encore rester jusqu'à que le soleil soit complètement levé. Et certains pensaient encore qu'on flippait pour rien et voulaient toujours rester. Moi, je voulais juste sortir de ces putain de bois.

Le nom de la fille qui s'était fait toucher par l'homme-bouc était Keira. Bref, je lui ai demandé si elle pensait vraiment que c'était quelque chose de mauvais et elle m'a répondu qu'elle voulait simplement retourner à la maison et ne surtout pas rester toute seule dans les bois une autre nuit.

On a finalement décidé de se séparer; les 4 qui voulaient partir le pouvaient mais je devais rester parce que j'avais les clés de la cabane, que c'était celle de mon oncle et que je devais la verrouiller. J'étais super énervé à ce stade parce que j'avais l'impression que les autres ne prenaient pas tout ça au sérieux et s'en foutaient que je veuille clairement pas rester dehors dans les bois pendant une autre nuit. J'ai passé le restant de la journée à tenter de convaincre les autres — à présent 4 filles et 4 mecs — de déguerpir. Vers 16h, Tanner est parti chez son père récupérer un fusil en disant qu'il allait revenir. On n'était donc plus que 7.

À 17h, il n'était toujours pas revenu et tout le monde a commencé à devenir super nerveux. À ce stade, la seule raison qui me poussait à arrêter de les supplier de s'en aller était qu'il était parti chercher une arme.

Il était plus ou moins 17h30 quand celui de mes cousins qui était resté nous a dit que la fille, Keira, était dehors. On a tous regardé dehors, et effectivement, elle se tenait près du feu de camp, dos à la caravane.

Je me suis demandé pourquoi elle était revenue alors qu'elle était si effrayée. Et puis, j'ai eu cette sensation désagréable au niveau du ventre. Gardez en tête que pendant tout ce temps, l'odeur métallique était partie. À ce moment-là, j'ai réalisé que je pouvais très légèrement la sentir.

Je l'ai signalé aux autres et tout le monde — et là tous ceux qui ont insisté pour rester dans ces putain de bois alors qu'on avait ce putain d'homme-bouc à nos trousses m'ont ri au nez en me demandant si j'avais monté toute cette histoire pour leur faire peur.

Je les regardais en mode "Putain je vous assure que c'est pas des conneries là". Je leur ai demandé pourquoi je me serais amusé à faire tout ça. Et là, une desfilles est descendue chercher Keira. Mais elle s'est arrêtée net à mi-chemin. Keira avait commencé à trembler ; bordel, je sais pas comment je pourrais décrire ça. C'était comme si quelqu'un, le dos tourné, riait sans faire le moindre son. Ç'a été le déclic qui m'a fait réaliser qu'il n'y avait pas un son dans tout le bois; la forêt était parfaitement silencieuse.

On était genre vers fin septembre, il faisait donc encore assez chaud à ce moment-là même si il faisait aussi super froid certains jours. Et normalement on pouvait encore entendre des oies, des oiseaux ou des écureuils jacasser.

Donc je suis sorti à mon tour et j'ai demandé à la fille de revenir immédiatement dans la caravane.

Elle est retournée avec nous et on a verrouillé la porte. On a abaissé tous les stores sauf un et un de nous s'est posté devant, assis sur une chaise, pour la surveiller. Elle est restée plantée là pendant bien 20 minutes. Le type s'est retourné pour nous dire qu'elle était toujours là. Et là il y a eu un ÉNORME coup sur la porte.

On s'est tous levés d'un bond et on s'est dispersés à travers tout le salon de la caravane. Le coup était vraiment putain de puissant.

À ce moment-là, mon cousin serrait dans ses bras une des filles, les deux autres rigolaient nerveusement, et moi et les deux autres gars, on se chiait littéralement dessus.

Et puis on a entendu Tan. Il criait.

"MAIS BORDEL, LAISSEZ-MOI ENTRER ! OUVREZ CETTE PUTAIN DE PORTE !"

On a été jusqu'à la porte et on l'a ouverte, et il est tombé à l'intérieur, un fusil dans les bras. Il n'y avait personne d'autre dehors.

Apparemment il avait marché jusqu'au lieu du campement. D'après lui, rien de bizarre ne s'était produit dans la forêt, mais arrivé sur place, il avait vu une fille. Mais ce n'était pas Keira selon lui. Quand il a atteint l'orée de la clairière, elle s'est tournée vers lui, la bouche grande ouverte, le suivant lentement du regard pendant qu'il progressait dans la clairière.

C'est seulement arrivé vers la moitié de la distance qui le séparait des caravanes qu'il a réalisé qu'elle se rapprochait de lui. Elle était près du feu au départ, et sans qu'il l'ait vue bouger d'un pouce, elle s'était retournée, et la distance qui les séparait s'était réduite. Tan a pris peur, et il a couru le reste de la distance en espérant que la porte serait ouverte. Quand il s'est rendu compte qu'on l'avait verrouillée, il s'est retourné et s'est rendu compte que la fille s'était encore rapprochée : elle était à mi-chemin entre lui et le feu.

Après avoir fini de raconter ce qui venait d'arriver, Tan a regardé autour de lui et il est devenu super pâle d'un coup. Il m'a mis à l'écart et m'a chuchoté à l'oreille : "Tu sais qu'on n'est plus que sept ici, hein ?" J'ai eu cette sensation de creux dans le ventre, comme quand on t'annonce un truc terrible auquel tu t'attends pas. C'était revenu à l'intérieur pendant qu'on se mettait d'accord sur qui allait où, et encore une fois quand on est tous sortis dehors pour parler plus tôt dans la journée. Ça en avait simplement profité pour se glisser dedans.

On a regardé à travers la fenêtre et il n'y avait personne dehors. On s'est tous recomptés et ensuite, en gros, j'ai demandé à tout le monde combien on était avant. Tout le monde a dit 8. J'ai répondu "Bien, combien de personnes sont ici en ce moment ?" Ils ont tous recompté et se sont rendus compte qu'on n'était plus que sept personnes dans la caravane.

Tan avait ramené plusieurs boîtes de munitions et son fusil. Il a expliqué à son père qu'il y avait une sorte d'animal dans la forêt parce qu'il ne pensait pas que son père l'aurait cru s'il avait dit que c'était l'homme-bouc. Il nous a dit que son cousin était censé venir bientôt et qu'il ramènerait tout le monde dans sa voiture le lendemain.

À ce moment-là, j'étais vraiment terrifié, mais je me sentais un peu mieux vu qu'on pouvait être de vrais Américains et flinguer l'enculé si il essayait encore de se foutre de nous. Et puis, y a eu cette grosse engueulade entre Tan et une des filles parce qu'elle pensait encore que Tan et moi on avait monté tout ça de toutes pièces, et qu'elle commençait à être vraiment effrayée et qu'elle ne trouvait plus ça drôle. Il arrêtait pas de lui répéter que c'était pas notre genre de faire ça, et puis elle nous a sorti ça : "Ok, alors pourquoi la fille qu'on a vue ça serait pas juste Tan avec une perruque ? Ou si c'est réellement l'homme-bouc, comment on peut savoir si c'est le vrai Tanner et pas l'homme-bouc qui l'aurait buté et qui aurait pris son fusil ?"

Donc on est entrés dans un putain de débat à ce sujet, Tan et moi on était en mode "on est peut-être sérieusement en danger parce qu'au mieux quelqu'un s'est glissé parmi nous sans qu'on le sache dans cette putain de caravane et s'est mêlé à nous, et au pire y a un truc pas net dans la forêt et ce truc est en train de nous niquer."

Une des filles s'est mise à pleurer en disant qu'elle voulait partir immédiatement, et on essayait de lui dire qu'on pouvait pas vu que personne ne voulait traverser les bois en plein milieu de la nuit. Le soleil commençait à se coucher et le ciel devenait un petit peu nuageux.

On a mangé un truc et on a laissé la radio allumée quelques temps mais on captait aucune station intéressante. On l'a donc éteinte, et c'est plus ou moins à ce moment que le cousin de Tan s'est pointé. Je pense qu'il devait avoir dans les 19 ans. Le soleil était pratiquement couché. Il était muni d'une de ces lampes torches ultra-résistantes et d'un autre fusil. Pendant qu'il s'approchait des caravanes, on a demandé en murmurant à Tan s'il était certain qu'il s'agissait de son cousin. Il a acquiescé.

Le type a regardé derrière lui et tout autour du camp avant d'entrer. Il nous a tous regardés, il avait l'air un peu confus.

Il nous a dit "Où est votre petite pote ? Je pensais qu'elle me rejoindrait à la cabane. Elle doit être un peu lente peut-être ?" Puis il nous a demandé si on avait cuisiné avec du sang dans la cuisine parce qu'il y avait comme une odeur de sang ou de métal chauffé à blanc tout le long du chemin jusqu'à la caravane. On était tous genre, "NOPE." Et puis, "mais putain de quelle fille tu parles ?"

Il avait pris le même sentier que Tan avait pris pour venir un peu plus tôt et il aurait rencontré "une de nos potes" en plein milieu du chemin, qui le regardait la bouche grande ouverte. Il lui aurait posé un tas de questions mais elle ne faisait que le regarder. Puis, elle lui a souri et il a repris sa marche sans s'arrêter. Et puis pendant qu'il continuait, il s'est rendu compte qu'elle l'avait suivi, elle restait constamment à une certaine distance derrière lui. Il lui a demandé si elle était blessée ou quoi et si elle avait besoin d'aide. Mais elle continuait de le fixer sans rien dire. Finalement, il a poursuivi son chemin. Plus loin, il s'est retourné dans un virage du sentier pour vérifier si elle allait bien, mais il n'y avait plus personne derrière elle. Il s'est dit qu'elle avait dû prendre un raccourci à travers les bois pour arriver à la caravane.

On lui a raconté toute l'histoire. Je m'attendais à ce qu'il dise qu'on racontait de la merde mais il est simplement resté là à écouter avant de finir par s'asseoir sur le canapé du salon.

Le cousin de Tanner en est revenu à la fille. Il nous a dit que pendant qu'elle faisait visiblement son possible pour rester à distance derrière lui, vu que ça avait tendance à le perturber, il essayait de la laisser le dépasser ou au moins arriver à son niveau. Mais il avait beau marcher le plus lentement qu'il pouvait, elle était toujours un peu en retrait. C'est là qu'il a commencé à sentir cette odeur désagréable qui devenait de plus en plus forte à mesure qu'il se rapprochait du camp. Finalement, à un moment où l'odeur était devenue presque insupportable, la fille a dit quelque chose à voix basse qu'il n'a pas pu saisir. Quand il s'est retourné, elle se trouvait juste devant lui. Il a reculé.

C'est à ce moment qu'il lui a demandé si tout allait bien et si ce n'était pas le cas, qu'il pouvait la porter le reste du chemin, mais elle est simplement restée là, à le regarder. Il a alors essayé de tendre son bras pour l'attraper par l'épaule mais il avait dû "mal évaluer la distance" : sa main s'était posée dans le vide, comme si la fille avait bougé sans qu'il le voie.

À ce stade, on était sûrs que tout ce merdier était bien réel, à moins qu'il s'agisse d'un coup monté de Tan, ce qu'on pouvait écarter vu qu'il était limite en train de se pisser dessus.

Donc, ils ont chargé leurs fusils, on a mangé un peu plus et on est sagement restés là à ne rien faire jusqu'à pratiquement 23h. Encore aujourd'hui, à chaque fois que j'y repense, je prie vraiment Dieu pour que ça n'ait été qu'un énorme canular monté par mes cousins qui m'était destiné et qu'ils me l'aient jamais révélé, histoire que j'en chie des briques pour le restant de mes jours.

Vers 23h, l'odeur de cuivre était devenue une odeur de sang vraiment dégueulasse, comme si on faisait bouillir du sang et qu'on brûlait des cheveux. Tan et son cousin, Reese, ont tout de suite compris ce qui se tramait et ont empoigné leurs fusils.

Il y avait quelque chose à la porte, je pouvais pas dire si ça la griffait ou si ça la frappait... et je dis pas de la merde, il y avait une voix qui ressemblait aux chats et chiens qu'on peut voir sur YouTube à qui on apprend à "parler". C'était une voix bizarre, hésitante, et ça disait : "Mais bordel, laissez-moi entrer. Ouvrez cette putain de porte."

J'ai encore eu cette sensation genre "oh putain..." et une des filles a commencé à pleurer et prier Jésus.




C'était tellement évident que c'était pas une personne qui parlait. Ça n'avait pas la bonne cadence. C'est quelque chose que je n'avais jamais réalisé jusque là mais chaque personne a une certaine cadence quand elle parle, peu importe la langue parlée. Tout le monde a un certain rythme de parole.

Ce truc n'avait aucune régularité. Une de ces vidéos de chats sur Youtube, c'est à ça que ressemblait la voix qui venait de dehors. Donc là j'étais en mode panique totale. On n'arrêtait pas de gueuler, "Qui c'est ? Arrête de traîner ici, mec !" et pendant un bon quart d'heure, il n'a fait que dire "dedans" ou "laissez-moi entrer".

http://www.youtube.com/watch?v=qff9V27Weaw

Ça ressemblait à ça, sauf que c'était pas drôle. Désolé d'être un peu hors-sujet, mais vous pourrez pas bien vous rendre compte dans quel merdier on était si vous arrivez pas à imaginer cette voix.

Peu après, l'odeur s'est dissipée pendant un temps. Et tout au long de l'heure qui a suivi, on a pu entendre ce truc rôder autour de notre refuge. Toutes les quelques minutes, il revenait à la porte, et disait quelque chose.

Finalement, vers 2h du matin, l'odeur s'est entièrement dissipée. Reese a dit "Allez, tant pis !" et il est sorti avec son fusil.

Il a tiré en l'air, et a dit un truc du genre "Au nom de notre seigneur Jésus Christ, va-t'en !" Il a alors tiré deux autres coups, et là, venant des bois vers la rivière qui se trouvait près du campement, on a tous distinctement entendu quelque chose qui marmonnait ou hululait.

Et puis, ça a commencé à crier. C'était presque comme si on avait mis une gonzesse et un chat dans un sac et qu'ils criaient à l'unisson. J'avais jamais rien entendu de pareil. Puis on a entendu bruire les buissons, comme si quelque chose se déplaçait sous leur couvert. Reese a tiré dans cette direction et a rejoint la caravane à reculons.

On a verrouillé la porte, mais on pouvait toujours entendre cette créature fredonner et crier. Reese nous a dit que quelque chose venait de sortir des buissons et rampait lentement vers la cabane. C'était sur ce truc qu'il venait de tirer.

Toute la nuit est passée comme ça : des cris continus pendant les deux heures suivantes, des mouvements dans la forêt. La chose n'est finalement jamais revenue vers la cabane avant que tout le monde ne s'endorme.

Pendant ce temps, Tan était assis sur une chaise, surveillant la porte avec son arme ; personne d'autre n'a vu ou entendu ce qui va suivre, et il ne me l'a dit que deux jours plus tard, après que tout ça se soit terminé.

Il m'a dit qu'il somnolait depuis que les cris et les autres bruits s'étaient arrêtés, et il était quasiment endormi quand il a vu quelqu'un sortir de la salle de bains, s'allonger sur le sol et s'endormir. Il s'est simplement dit que ça devait être l'un d'entre nous et s'est de nouveau mis à somnoler.

Mais il s'est remis en alerte peu de temps après. Il a compris que quelque chose ne tournait pas rond, et pendant qu'il faisait semblant de dormir, il a compté combien on était : il y avait 9 personnes dans la cabane.

Il ne voulait pas risquer de tirer sur ce truc dans la cabane, il savait pas de quoi cette créature était capable, ou il aurait pu réveiller Reese qui aurait commencé à tirer partout et nous blesser. Il est juste resté réveillé toute la nuit, faisant semblant de dormir pour surveiller l'intrus. Parfois, le truc se relevait et s'agitait bizarrement ou hoquetait, comme s'il riait. Et puis il retournait à sa position allongée.

Cette histoire se termine sans vraie conclusion, parce que de mon point de vue, rien ne s'est produit ensuite. Nous nous sommes levés et j'ai remarqué que Tan était un peu nerveux et qu'il évitait nos regards. On a pris notre petit-déjeuner, on a tout remballé et on s'est dirigés vers sa maison. Il est sorti en dernier de la cabane en disant qu'il se chargerait de la fermer (ce que j'avais pas DU TOUT envie de faire) et qu'il me ramenerait les clés de mon oncle ; que je pouvais commencer à avancer, il me rattrapperait.

On a pu faire une certaine portion du chemin avant qu'il nous rejoigne en courant. On a trottiné jusqu'à chez lui. Puis, Reese m'a ramené chez mes cousins.

Tan était retourné à la cabane pour la verrouiller et a regardé à l'intérieur. Il y avait une fenêtre dans la salle de bains. On avait juste été trop cons pour penser à verrouiller celle-là. Elle était grande ouverte quand il est entré dans la salle de bains.

Je suis sûr que la créature a fait ça tout le long : elle attendait qu'on s'endorme et se faufilait parmi nous. D'après Tanner, elle est restée un peu derrière nous pendant toute la route jusqu'à la maison, et au moment où on arrivait à la lisière, elle est restée immobile dans les fourrés, et elle l'a fixé intensément avant de repartir dans les bois.

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